Dans cinq minutes, six inconnus vont arriver chez moi. Ils viennent apprendre une technique que je connais à peine. Ce sont de parfaits novices, pourtant je vais leur confier un mur entier du grand gîte que je restaure et qui doit ouvrir au printemps. Le chantier participatif a pour objectif l’isolation en chaux-chanvre d’un mur de près de 5 mètres de haut pour apporter confort et esthétique à la grande salle de vie.
Je suis à la fois inquiète et impatiente que le chantier commence. Cela fait plusieurs semaines que je prépare cette journée avec Corinne et Thierry de l’association Echo des Logis. Ils ont le savoir-faire, ayant eux-mêmes utilisé la technique chez eux à l’Ecolieu de la Gataudière et ont accepté d’être mes accompagnateurs techniques sur le chantier.
La rénovation du Moulin des Etrebières à Cheffois (Pays de la Châtaigneraie) suit une démarche écologique avec entre autres la récupération des eaux pluviales pour alimenter les chasses d’eau et l’arrosage, le chauffage au bois et l’assainissement par filtre à roseaux. L’installation de panneaux solaire sur la grange est prévue.
Le gîte pourra accueillir confortablement 15 à 19 personnes dans un site préservé au cœur du bocage vendéen. On y viendra pour se retrouver en famille ou entre amis, pour se ressourcer dans un écrin de nature et pour se réapproprier les savoir-faire. En effet, des ateliers manuels (bricolage, jardinage, cuisine, couture, etc) y seront proposés pour retrouver le plaisir de faire de ses propres mains.
Quoi de plus indiqué, donc, qu’un chantier participatif au Moulin des Etrebières ? Des particuliers se retrouvent bénévolement pour construire quelque chose ensemble, acquérir un savoir-faire et partager un moment convivial. Dit comme ça, cela paraît simple, mais cela demande une certaine organisation.
Plusieurs semaines auparavant, Corinne et Thierry sont venus sur place pour voir le mur, confirmer la faisabilité du chantier et décider de la méthode à adopter. Nous avons choisi la technique du banchage qui consiste à tasser le mélange isolant entre le mur et une banche (sorte de planche) parallèle au mur qui crée un coffrage. Pour que le mélange tienne contre le mur sur une hauteur conséquente, il faut d’abord réaliser une armature en bois légèrement décalée du mur pour servir d’ossature au chaux-chanvre dont la consistance est molle au moment de la pose.
Le mélange est tassé autour de l’ossature bois avec comme limite le mur d’un côté et la banche de l’autre. Afin que la banche soit sur un plan parfaitement droit, on vient fixer des vis tous les 12cm sur l’ossature bois et on ajuste la profondeur de vissage au laser afin que les têtes de vis soient toutes sur un même plan qui sera celui du futur mur en chaux-chanvre.
Avec Corinne et Thierry, nous avons convenu d’une date pour le chantier et fait la liste de tout le matériel dont nous aurions besoin. Il fallait notamment un échafaudage pour travailler en hauteur en sécurité, une bétonnière pour faire le mélange et des brouettes pour le transporter jusqu’au mur du salon. Nous avions la chance d’avoir des maçons sur le site qui nous ont gentiment prêté leur matériel.
Il fallait aussi estimer les quantités de chaux et de chanvre nécessaire au chantier. Nous avons calculé la surface à couvrir, multiplié par l’épaisseur moyenne d’isolant souhaitée pour obtenir un volume de mélange chaux-chanvre fini et, suivant la recette préconisée par le fabricant, déduire le nombre de sacs à acheter. Les seaux, banches, massettes et autres truelles ont été fournis par Corinne et Thierry.
Après tout ça, il manquait encore le plus important : les participants ! Une annonce partagée sur les réseaux sociaux et auprès d’associations locales (Maisons Paysannes, l’Echo des Logis) ont permis de recruter rapidement 6 volontaires. C’étaient essentiellement des gens désireux d’apprendre la technique en vue de l’appliquer ensuite à leur propre projet de rénovation.
La durée du chantier avait été estimée à trois jours, mais grâce à la motivation des participants, les conseils avisés de Thierry, l’animation bienveillante de Corinne et une organisation sans faille, nous avons terminé en deux jours malgré les imprévus. En effet, le mur n’étant pas parfaitement vertical, j’avais sous-estimé l’épaisseur moyenne de l’isolant et j’ai dû aller chercher du ravitaillement de chaux et chanvre avant l’embauche du deuxième jour pour que nous ne soyons pas à court.
Le jour J, les participants arrivent et nous faisons connaissance autour d’un café et de la traditionnelle brioche vendéenne. Tous ont leur propre projet de restauration et ont hâte de s’essayer à la méthode du banchage et à l’isolation en chaux-chanvre. Nous nous mettons rapidement au travail et nous organisons par équipe. L’une se charge de faire le mélange dans la bétonnière et d’alimenter le chantier en brouettes pleines de chaux-chanvre. Deux autres équipes commencent à fixer les banches et tassent le mélange à la massette.
On démarre en bas du mur avec une première banche posée sur le sol. Lorsque ce premier coffrage est rempli, on fixe la deuxième banche au-dessus de la première et on continue de remplir en tassant. Ensuite, on enlève délicatement la première banche en la faisant glisser et on la place au-dessus de la deuxième banche. Ainsi de suite jusqu’à ce que l’on arrive en haut du mur où l’on doit terminer en tassant le chaux-chanvre à la main contre le mur.
Le travail se fait dans la bonne humeur, tout en échangeant sur nos chantiers respectifs. Les participants posent moult questions à nos accompagnateurs techniques. Pendant la pause déjeuner, nous partageons les plats que chacun a apportés et je propose une visite du gîte. Puis, nous nous reprenons le travail. À la fin du chantier, tous les volontaires expriment leur fierté du travail accompli et leur désir de participer à la suite du chantier. Prochaine étape le 23 octobre pour l’enduit de finition chaux-chanvre-sable !